Stanley Milgram, le test de la banalité du mal

Publié le par XylofeneKolor




L'article que vous allez lire ci-dessous a été écrit par Eric Aeschimann dans le journal Libération du 25 avril 2009. Article recopié par mes soins, sur un coin de bistrot à Paris, en totale violation du copyright, mea culpa mais c'est ainsi ! :-))

Il est écrit dans le cadre d'un article sur un documentaire dénonçant la télé-réalité avec un faux jeu mais de vrais candidats qui croient infliger des décharges electriques à un autre candidat. Cela fait référence à la fameuse expérience de Stanley Milgram. Bonne lecture et voir aussi ci-dessous les extraits de "I comme Icare", film français des années 70 où l'expérience de Milgran est reproduite. Edifiant, et aide à comprendre beaucoup de choses dans le cadre de conflits armés, et donc celui mené par Israël également.

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L'expérience de Milgram fut menée de 1960 à 1963 aux Etats-Unis. En 1960, Adolf Eichmann est capturé par Israël, il est pendu en 1962, et l'année suivante, la philosophe américaine Hannah Arendt publie son compte-rendu du procès, sous-titré "rapport sur la banalité du mal", écrit pour le New Yorker. Lorsqu'en 1974, Stanley Milgram tire le bilan de son expérience dans son livre "soumission à l'autorité", il se réfère au procès Eichmann et la thèse d'Hannah Arendt. Si l'expérience Milgram fut un test de psychosociologie au retentissement exceptionnel, elle a été également une façon, pour la conscience occidentale après Auschwitz, de se demander comment des hommes ordinaires avaient pu commettre de tels crimes.

Dans "Panique morale" (Grasset, 2004), le philosophe français Reuven Ogien a examiné les réponses apportées par deux historiens de la Shoah. Le premier, Christopher Browning, auteur de "des hommes ordinaires", paru en 1992, fait référence à l'expérience de MIlgram et, analysant le profil psychologique d'un bataillon de policiers nazis, en conclut qu'ils avaient des croyances ordinaires et que le mal naîtrait de la soumission à l'autorité et du conformisme de groupe. Or, pour Ogien, c'est là une lecture réductrice de l'expérience de Milgram : en effet, il suffisait d'introduire quelques variations pour faire élever considérablement le taux de refus des "candidats" (à qui l'on demandait de déclencher des chocs électriques) : par exemple la présence d'autres personnes qui encourageaient à ne pas obéir, ou des détails alimentant la méfiance à l'égard de celui qui donnait des ordres, comme une blouse tachée ou une façon trop familière de parler. Parler de soumission à l'autorité serait donc erroné. A contrario, "les bourreaux volontaires d'Hitler" (1996) de Daniel Goldhagen, montrerait que les tueurs nazis n'étaient en rien des hommes ordinaires et notamment qu'ils étaient mus par la conviction qu'il fallait exterminer les juifs.

Le philosophe Michel Terestchenko, qui a écrit "un si fragile vernis d'humanité" (La Découverte Poche, 2007), souligne un autre aspect : "Si les sujets de Milgram obéissaient, ils souffraient aussi : ils transpiraient, se montraient nerveux. Ce ne sont pas des robots, ils ne ressemblent en rien à Eichmann". Ce qui ne les empêchait pas, si tiraillés qu'ils soient, de résoudre leur dilemme entre conscience et autorité au profit de cette dernière, "à condition que celle-ci soit légitime". La "banalité du mal", ce serait donc la propension d'une majorité d'individus à accepter, dans des circonstance précises, de commettre des actes maléfiques.

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Quant à l'avis de XylofeneKolor, et bien le voici. Je pense aussi que, dans des circonstances précises, un large groupe d'individus peut commettre les pires horreurs en soumission à l'autorité mais pas seulement ! Je pense que, dans le cas des nazis notamment, il y avait deux facteurs importants : la soumission à l'autorité d'abord, l'expérience Milgram, mais aussi le phénomène de la psychologie de groupe (voir l'expérience des singes). Avez-vous vu le film "Casualties of War" ? Cela se passe pendant la guerre du Vietnam et une escouade américaine kidnappe une jeune vietnamienne, la viole et la tue. Seul un soldat de l'escouade s'y oppose et se bat, au risque de sa vie, pour la défendre. C'est la loi du "avec ou contre nous". Quelques soldats dans l'escouade ne l'auraient pas fait spontanément et le font tout de même par souci de cohésion au groupe, pensant qu'ils avaient plus à perdre qu'à gagner en s'opposant à la loi du groupe. Je sais de source sûre que de telles choses (pas de viols mais des bastonnades collectives, des actes de torture, de vandalisme et de pression psychologique) ont lieu au sein de l'armée israélienne envers les palestiniens. Et je reste persuadée, malgré le peu de sympathie que m'a inspiré l'intégralité des soldats israéliens que j'ai pu rencontrer, que beaucoup de ceux-ci ne feraient pas le quart des horreurs qu'ils commettent s'ils avaient le sentiment d'avoir vraiment le choix...

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Les extraits de "I comme Icare"






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